Elles sont les reines de la Havane. Elles datent des années 40, 50, 60, de l’époque où Cuba était encore le pré carré des Etats-Unis. Les propriétaires de ces véhicules qui font se pâmer plus d’un collectionneur étranger , elles ne se laissent pas rouiller. Bien au contraire: ils sacrifient leurs maigres économies pour que les carrosseries demeurent pimpantes et les moteurs en état. Mais où trouvent-ils donc les pièces de rechange ? Quand ils ne parviennent pas à les bricoler eux-mêmes, ils les commandent à un parent exilé en Floride.
Au pays de Fidel
Le rétro est autant une leçon d'histoire qu'un art de vivre. A La Havane, détour obligé par le Nacional, qui offre un back to the fifties bien rodé. Le vénérable palace des années 1930, haut lieu de la mafia époque Lucky Luciano, est resté le point de rendez-vous des clichés bien carrossés. Chevrolet, Buick, Ford: pour un vintage tour classique sur le Malecon, le mythique front de mer, la vieille américaine, même usée jusqu'à la corde, réussit son effet.
Vintage à Cuba
La Chaika, Aussi increvable que rarissime
De l'avis du concierge d'un hôtel haut de gamme, pour un service very VIP, rien ne vaut la Chaika (prononcez "chaïka"), le légendaire carrosse des apparatchiks soviétiques. En visite en 1989 à Cuba, alors que l'importation de véhicules américains s'est arrêtée net trente ans plus tôt, Gorbatchev laissera derrière lui une flotte de 10 spécimens "aussi increvables que rarissimes", dixit Rino, le chauffeur de l'attelage collector noir mat et de taille limo.
Chevrolet, Buick, Ford... Les belles heures des voitures vintage
Depuis que le gouvernement avait autorisé le libre entrepreunariat pour certains métiers, il surfe sur la vague rétro. A l'instar des 400 000 Cubains déjà passés à l'acte, il travaille désormais à son compte. Et de bichonner son engin, carrosserie étincelante et transistor d'époque capable de sortir le meilleur de la musique cubaine signé Benny Moré, Chucho Valdés ou Paquito D'Rivera...
Nostalgie et paradoxes
Sur la route de Trinidad, les époques et les genres - Buick rose bonbon, autocars chinois Yutong, cavaliers au petit galop - se superposent dans une campagne couleur vert tendre. Plus que les autres, la vieille ville, isolée dans les terres, garde intacte l'accumulation de nostalgie et de paradoxes. A Trinidad, la réalité du jour se barde juste de coloris un peu plus criants: le vendeur de pâtisseries affiche en façade un tonitruant vert caraïbe, jaune ocre pour le pizzaiolo, bleu turquoise pour la tresseuse de chapeaux. Rencontre avec le musicien Pedrito Gonzales, père de la trova cubana, genre rétro des années 1920, exaltant l'âme cubaine dans la grande tradition de Sindo Garay et Pepe Sanchez. Ce jour-là, l'homme est joyeux: son fils musicien embarqué dans la tornade du reggaeton, phénomène commercial mi-reggae, mi-rap, a annoncé son retour dans les rangs de la trova. Dans son home studio vintage dissimulé derrière une façade anonyme, la légende vivante entonne le chant de la victoire. Le rétro, leçon d'espoir.