Batista, dictateur de Cuba
Batista, dictateur de Cuba à partir de mars 1952. Il prend le pouvoir par la force quand il se rend compte de ses maigres chances de l'emporter par la voie légale. Washington reconnaît très vite le nouveau pouvoir. L'île, indépendante depuis 1902 de l'Espagne, ne s'est pas encore démocratisée et n'est pas prêt de l'être. Elle est restée sous l'influence de son puissant voisin, les États-Unis. La situation économique est difficile et la corruption politique est endémique. Fidel Castro, comme d'autres étudiants, n'entrent à l'université qu'armé.
Tranquille destination des riches américains
L'île est la tranquille destination des riches américains. Batista renforce son caractère d'arrière-cour de l'Amérique. Plus de 10 000 prostituées ventent leurs charmes à La Havane en 1958. Les propriétaires de casinos investissent, de l'argent sale est blanchi.
Jorge Valls
Jorge Valls, étudiant à l'époque, écrivain aujourd'hui, décrit cette atmosphère : "Pendant que nous nous soulevions, La Havane vivait dans une véritable frénésie de vie nocturne et de loisirs. Les cabarets comptaient parmi les meilleurs du monde. On dépensait des fortunes à la roulette. Les voitures de luxe parcouraient la capitale tandis qu'à la campagne régnait une horrible misère".
Un pouvoir corrompu
Largement dépeint au cinéma, le Cuba des années 50, entre jeux d'argent, cha-cha-cha et sexe facile, a acquis une dimension mythique. T. J. English en révèle l'histoire dans un récit ultradocumenté. Ce spécialiste du crime organisé raconte comment la mafia américaine a transformé l'île en un juteux empire du divertissement, avec la bénédiction d'un pouvoir corrompu.
Dès les années 20, Meyer Lansky a l'idée d'une "plate-forme off-shore" libre de toute pression policière. C'est le retour aux affaires d'el Presidente Fulgencio Batista qui va permettre l'essor d'hôtels-casinos et de night-clubs, faisant de La Havane un paradis pour touristes. Mais le mambo ne suffit bientôt plus à couvrir les rafales de mitraillette de la guérilla castriste. Pour la pègre, la nuit havanaise virera au cauchemar, entraînant la déroute la plus coûteuse de son histoire.
Fulgencio Batista
Le dictateur est à l'image de son pays : il montre de plus en plus un goût prononcé pour le luxe vestimentaire ; son porte-monnaie est abondamment percé par sa jeune épouse, il collectionne les objets ayant appartenu à Napoléon. Il joue et met sur écoute ses adversaires politiques. Au lendemain de son coup d'État, Batista suspend le parlement et reporte les élections. Dans l'influence du défunt Eduardo Chibas, l'opposition ne sommeille pas longtemps. Fidel Castro en est. Elle prend forme dans les universités et se structure enfin autour de Castro en 1952. Le 26 juillet 1953, Fidel et ses compagnons mènent l'attaque de la caserne Moncada à Santiago, dans la province d'Oriente. L'opération est un grave échec.
L'attaque de la caserne Moncada
Castro se sert du procès pour faire la publicité de ses idées. 70 assaillants sur 160 sont faits prisonniers mais également torturés puis tués. Martha Frayde, médecin et compagnon de lutte avant d'entrer en dissidence témoigne : "C'est à partir du coup d'Etat du 10 mars 1952 que Fidel, avec une grande habilité, a compris qu'il allait devenir un dirigeant, en sacrifiant tous ceux qu'il aurait à sacrifier. L'attaque de la caserne Moncada était une action suicidaire du point de vue tactique. Fidel est conscient que cet acte va lui apporter la notoriété, même au péril de sa vie, et que cela va lui permettre de diriger la révolution.
Castro et 81 compagnons débarquent à bord du yacht Gramma
Batista riposte en organisant des élections présidentielles en novembre 1954. Le dictateur est élu. Le 15 mai 1954 Castro sort de prison. L'agitation politique reprend et se durcit. Castro opère depuis le Mexique. Le 2 décembre 1956, Castro et 81 compagnons débarquent à Oriente, à bord du Yacht Gramma. Un groupe de jeunes révolutionnaires attaque le palais présidentiel le 13 mars 1957 dans le but de tuer Batista : nouvel échec et nouvelle répression sanglante.
Meyer Lansky
Les casinos se multiplient, les truands prospèrent
L'opinion change. Pour Martha Frayde : "le peuple n'était pas en faveur de la violence. Mais il n'était pas non plus en faveur de Batista".
Les Américains font comme si de rien n'était : "Les casinos se multiplient, les truands prospèrent, derrière Meyer Lansky, le plus grand d'entre eux. Le night-club Le Tropicana ne désemplit pas. Les prostituées de la rue des Virtudes sont en embuscade pour capter le chaland. Le Hilton monte ses étages. Le Bodeguita del medio, charmant bistrot de la vieille ville, où Hemingway vient boire ses mojitos, devient l'endroit où les stars de Hollywood aiment à être vues".