Cuba est noire
Venus d'Afrique
Telle que la conteuse Lydia Cabrera, publiée par Roger Caillois dans La Croix du Sud, il y a plus de quarante ans, nous la fit découvrir, en recueillant la pensée primitive et subtile des Noirs cubains, dont les ancêtres, venus d'Afrique, touchèrent l'île au XVIe siècle. Cuba est chinoise: l'immigration asiatique fut très importante au XIXe siècle; ainsi, dans les années 60, le quartier chinois de La Havane était-il très prospère.
Cuba fût aborigène
Guanahatabeyes, Siboneyes et Taïnos
Elle qui ne compte plus aujourd'hui que quelques dizaines de métissés sur les 100 000 à 200 000 Guanahatabeyes, Siboneyes et Taïnos recensés avant l'arrivée des Espagnols. Cuba est blanche. Cuba est métisse.
L'auberge cubaine accueille le pire comme le meilleur.
Pour Littré, Cuba n'éxiste que par ses cigares, ses excellents havanes - il est vrai que nous sommes en 1880 - et pour Los Van Van, groupe célèbre il y a dix ans: " La Havane n'en peut plus. D'un côté, le métissage architectural cubain, qui engendre un art baroque où se multiplient colonnes et chapiteaux. De l'autre, souvenez-vous, ce refrain imbécile datant d'avant guerre : Un jour à La Havane, un tout petit négro jouait dans sa cabane du banjo.
Dictionnaire Insolite de Cuba
Cuba est le fruit d'un singulier métissage de cultures
Carrefour stratégique des routes reliant le Nouveau Monde à l'Europe, Cuba est le fruit d'un singulier métissage de cultures. Malgré des lieux communs touristiques, l'île possède un patrimoine méconnu. Varadero est certes toujours paradisiaque alors que La Havane n'a pas qu'un charme colonial; Sartre, Hemingway, Joséphine Baker comme des parrains de la mafia y avaient leurs habitudes. Les "pieds secs" ont fait de Miami la deuxième ville cubaine, cependant que la Vierge de la Charité du Cuivre attire encore les foules à El Cobre; les flan de leche, ropa vieja et moros y cristianos ont chacun leurs variantes, la santeria ses adeptes. Et les rythmes de la conga s'accompagnent d'un Cuba libre.
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Le vrai visage de Cuba ?
Venus d'Afrique
L'île montre un profil sans cesse changeant : Cuba est une girouette. Le syncrétisme cubain, vorace, gourmand, «traversé par les torpeurs de la sieste et la somnolence du bambou» (José Lezama Lima), fausse les cartes, fait pousser de faux gratte-ciel au pied des avocatiers, envoie des corsaires et des flibustiers, fait écrire au voyageur allemand Alexander von Humboldt que Cuba est une île " populeuse qui empeste la viande séchée ",
et à un certain écrivain dissident Guillermo Cabrera Infante qu'elle est la source " de tous les commerces possibles et de toutes les nostalgies.
C'est un fait, Cuba, en général, et La Havane, en particulier, échappent et fuient. Quelle Havane choisir ?
Celle des Trois Tristes Tigres, éclairée par un soleil d'été, rouge, sur une mer indigo: La Havane de la prostitution et des boîtes de nuit, de la Mafia et de Batista, mais aussi - paradoxe des paradoxes - de l'éclosion d'un milieu culturel brillant, autour de Lezama Lima et de sa revue Origenes?
- La Havane de Nicolas Guillén, immense poète et communiste sectaire, ville aux boutiques aussi bien achalandées et approvisionnées que celles de Moscou ( nous sommes en 1937! ), mais dont les plages sont interdites au poète américain Langston Hughes, à cause de la couleur de sa peau ?
La Havane de Reinaldo Arenas et celle d'Armando Valladares: de l'exil et de la prison? Celle du Madrilène Joaquim Belda, qui, dans La Coquito, raconte que les Noires « s'enduisent le corps d'un onguent à base de piment, effectuant jusqu'à l'aube une danse infernale »?
La Havane de Severo Sarduy
Celle de Severo Sarduy, lumineuse et baroque? Celle d'Alejo Carpentier, toute de colonnes et de pâtisseries néocoloniales? Celle de Graham Greene, traversée par la vie de bordel, la roulette des hôtels et les «crabes Morro»?
La Havane de Cecilia Valdés
Celle de Cecilia Valdés, la sensuelle et provocante mulâtresse, qui hante les pages de La Colline de l'ange, roman antiesclavagiste publié en 1839 par Cirilo Villaverde, « petite vierge de bronze » dont les descendantes arpentent aujourd'hui le Malecon et le paseo de Marti?
Le Cuba José Lezama Lima
- José Lezama Lima, auteur du magique Paradiso, nous donne un conseil. Il faut, dit-il, découvrir La Havane entre chien et loup, jamais dans le heurt du plein jour et du plein midi, mais dans la lumière du matin et celle des crépuscules. Ernest Hemingway l'avait bien compris, lui qui, dès 1928, écrit à sa femme: «Je me suis souvent demandé ce que je devrais faire du restant de ma vie et, maintenant, je le sais - j'éssaierai d'arriver à Cuba.»
Le Cuba d'Hemingway n'est pas celui des poncifs dont on l'affuble si facilement. C'est le Cuba du vent frais et du soleil luisant, de l'amitié avec les pêcheurs, des arbres, de l'enfance retrouvée, du Gulf Stream, un des derniers lieux sauvages de la terre. Un Cuba exactement semblable à ce qu'il devait être avant que les hommes ne viennent avec leurs bateaux, leurs légendes, leurs héros fatigués ou réhabilités, leurs mensonges, leurs camps, leur embargo, et que l'Histoire n'est pas près d'acquitter...